26 janvier 2023,

La FAFCE a contribué récemment aux travaux du Centre Catholique International de Coopération avec l’UNESCO (CCIC), comité d’ONG basé à Paris, duquel la Fédération est membre. Le CCIC facilite la mise en place d’actions communes en partenariat avec l’UNESCO, avec une attention particulière donnée à l’élaboration d’une pensée d’inspiration catholique spécifique à chaque ONG internationale.

En amont de la rencontre du 30 janvier 2023 sur « Pour un numérique au service du bien commun », les organisations membres du CCIC se sont retrouvées en ligne le 23 janvier dernier pour échanger sur  le questionnement éthique souhaitable dans l’usage qui se généralise des technologies numériques sous-tendues par  l’Intelligence Artificielle (IA). Cette conférence-échange s’inscrit dans le projet du CCIC et de ses ONG membres, en coopération avec la Commission nationale française pour l’UNESCO (CNFU), de participer à la mise en œuvre de la «Recommandation sur une éthique de l’IA»  adoptée à la dernière session de la Conférence Générale de l’UNESCO.

Cette contribution s’inscrit aussi dans l’approche donnée par le Pape François dans la lettre encyclique Laudato Si‘, où on souligne comment « L’accélération continuelle des changements de l’humanité et de la planète s’associe aujourd’hui à l’intensification des rythmes de vie et de travail, dans ce que certains appellent “rapidación”. Bien que le changement fasse partie de la dynamique des systèmes complexes, la rapidité que les actions humaines lui imposent aujourd’hui contraste avec la lenteur naturelle de l’évolution biologique (…). Le changement est quelque chose de désirable, mais il devient préoccupant quand il en vient à détériorer le monde et la qualité de vie d’une grande partie de l’humanité. » (Laudato Si’, 18).

Contribution de la FAFCE aux travaux du CCIC sur l’intelligence artificielle

 

Conditions pratiques

Les conditions d’accès à l’éducation sont souvent très pratiques pour les familles. Les ordinateurs et tablettes doivent être tout d’abord financièrement accessibles aux familles. L’accès au réseau doit être également disponible et de bonne qualité pour tous les établissements et participants sur l’ensemble du territoire.

De plus, chacun doit connaitre le fonctionnement des instruments et y être formé pour en avoir la maitrise au-delà  d’un simple pianotage plus ou moins récréatif. En effet, les conditions de formations des formateurs pour cette éducation revisitée sont à mettre en place. Des lieux de formation, tout public confondu et associé, sont à inventer et à mettre à disposition localement sur l’ensemble du territoire pour tenter de résoudre le problème de la fracture numérique au sein de la population. Il nous semble que ce point est prioritaire. Il est à la charnière entre les conditions pratiques et les conditions éthiques.

 

Conditions éthiques

Il  nous semble  que le droit doit être un facteur important de réflexion et de promulgation dans ce cadre nouveau de l’utilisation de l’IA en éducation, pour protéger l’ensemble des personnes concernées dans leur dignité en garantissant une éducation de qualité pour tous, sous la responsabilité de l’Etat, qui n’oublierait pas l’inclusion des plus fragiles en vertu de la destination universelle des biens, dont l’éducation fait partie.

Une pédagogie participative ne saurait logiquement intégrer sans précautions l’Ecologie, si les techniques de l’IA employées demeuraient aussi énergivores qu’elles le sont actuellement, pour leur utilisation et pour la  « récolte » des métaux rares nécessaires à la production des nouveaux outils éducatifs. Ce serait un enseignement contre productif, alors qu’il est indispensable pour la formation d’êtres responsables.

Le chantier de mise en place de cette éducation participative appuyée par les techniques de l’IA serait un vrai bouleversement et nécessiterait des efforts de la part de différents secteurs de la société, dont par exemple celui des employeurs pour libérer du temps pour l’apprentissage des adultes, ou bien le secteur des travailleurs sociaux pour ne laisser personne de côté.

Sur le plan des principes une attention toute particulière devrait être accordée au travail des « fabricants » de logiciels. La question de leurs contenus, leurs choix de programmation et leurs coûts est cruciale. Nul n’est à l’abri du risque de manipulations des esprits, puisque ce sont des humains avec leurs qualités et leurs défauts qui créent les programmes. Les attributions de marchés seront à encadrer, car elles engageront la responsabilité de ceux qui  décideront  des commandes. Il serait regrettable de devoir se priver des richesses de certains apports pour des questions de toute puissance du marché.

Il nous faut réfléchir aux conséquences collectives possibles. Nous sommes capables de lire un manuel scolaire et d’en découvrir éventuellement les biais de présentation avec un regard critique, mais seule une petite minorité à l’heure actuelle est capable de lire et de décrypter  des algorithmes dont la puissance décisionnelle engage l’ensemble des apprenants et des formateurs.

 

Comment, par l’éducation à une éthique de l’IA, favoriser l’esprit critique et ouvrir l’accès à « un supplément d’âme » pour chacun des apprenants ?

Nous ne respecterions plus le principe de subsidiarité si les parents, premiers éducateurs de leurs enfants, n’étaient pas en mesure de suivre cette nouvelle forme d’enseignement à une éthique de l’IA et d’en maitriser les principes sans se sentir écartés de l’exercice de leurs responsabilités parentales.

En ce qui concerne l’éducation aux médias, l’éducation familiale a un rôle à jouer dès la petite enfance et bien au-delà, ne serait ce que par l’usage qui en est fait à la maison. Cette éducation primaire participe à la découverte de soi, des autres et du monde pour les enfants. Distinguer le réel du virtuel, l’objet de son image est un apprentissage quotidien qui forme à la pensée critique et qui mène à la découverte de la complexité du monde par la suite.

La découverte de plus grand que soi, les questions existentielles sur les origines et les limites de chacun ouvrent les enfants à un développement de la pensée personnelle. Les parents en premier, les enseignants et les formateurs par la suite, acceptent de participer respectueusement à ce dialogue et acceptent aussi de pouvoir remettre en cause ou d’approfondir ce qui constitue leur vérité. Cela nécessite du temps, de l’attention, de la présence, de la vigilance et beaucoup d’amour de la part des pères et des mères  et un amour de leur métier pour les enseignants et les formateurs, qui aident à grandir. Sur ce dernier point aucun écran à lui seul ne peut faire l’économie éducative de la personne comme médiatrice.

Tout ce qui constitue un être humain n’est pas codable, heureusement pour la variété et la richesse inventive de notre humanité, où le fort vit avec le faible une relation de fraternité en apprenant les uns des autres.

Une pédagogie participative soutenue par des techniques issues de l’IA nécessite, selon nous, la formation des formateurs, des enseignants et des enseignés. Pour cela les buts de l’Education doivent être reprécisés et réfléchis dans le cadre d’un « humanisme continué » comme l’a précisé l’UNESCO sous la direction de Madame Bokova, en son temps. Cette pédagogie nécessite aussi la connaissance et la mise en œuvre de la Recommandation sur l’Ethique de l’Intelligence artificielle, adoptée lors de la dernière Conférence générale.